Ventiseri

L'ancienne usine chimique de Travu a enfin un avenir


Abandonnée depuis un siècle, l’ancienne usine chimique de Travo a été rachetée
Article Léopold Paitier - Corse-Matin du 10 juin 2025


L'ancienne usine chimique de Travu a enfin un avenir
Derrière les murs de pierres, les fondations tiennent encore debout. Longtemps oubliée, l'ancienne usine chimique de Travo, à Ventiseri, revit enfin. Après quarante ans de démarches, la commune en est devenue propriétaire fin 2023. Un tournant. "Le terrain, ça fait 40 ans qu'on court après", souffle François Tiberi, maire de la commune. Une victoire obtenue après des années de tentatives infructueuses, de contentieux et de bras de fer.

Tout commence dans les années 1980. À l'époque, la mairie tente d'acquérir ce site stratégique de 4,25 hectares, au cœur du village, à quelques mètres de la mairie. Mais les propriétaires, installés sur le Continent, refusent de vendre. "J'avais mis une option en 1984. On ne s'est jamais entendus sur le prix. En 2017, ils en demandaient 3 millions d'euros." Une somme inabordable pour la commune.

Les procédures s'enchaînent, jusqu'à un contentieux lié à un emplacement réservé. "Ils nous avaient mis au tribunal, explique le maire. Et à l'époque, on avait proposé 600 000 euros."

Finalement, les négociations reprennent en 2023, facilitées par l'intervention d'un ancien préfet, proche des propriétaires. Une évaluation par les Domaines, les services fiscaux, permet de fixer un prix : 695 000 euros. "Ce n'est pas donné, mais justifié", juge François Tiberi. Trois grandes bâtisses en pierre, une emprise foncière unique en plein centre et un accès direct à la rivière ont fini par convaincre la commune de franchir le pas.

Le site, partiellement nettoyé par les services techniques, impressionne. Bâtiments à arcades, structures de pierre, traces d'activités passées : les anciens y voient un bout de leur enfance. "Beaucoup ont joué ici quand ils étaient petits", confie Alain Berthoud, responsable de la communication municipale.
Derrière les façades, les pierres racontent une histoire peu connue. L'usine aurait été fondée à la fin du XIXe siècle. Elle produisait du tannin, puis des composés chimiques et a cessé son activité peu après la Première Guerre mondiale. « Ce patrimoine était en train de disparaître de nos mémoires. Il fallait le sauver", insiste le maire. Mais la réhabilitation s'annonce longue et coûteuse. "Il faudra faire des diagnostics, notamment environnementaux et définir ce qui peut être conservé ou non."

Pour le maire, "l'important, c'est que ce soit utile à la population"

En attendant d'écrire l'avenir, la commune ouvre le lieu aux idées. L'association Eventissimu, qui porte le festival Festi Lingue, y organisera cette année* une série de concerts et de rencontres culturelles.

Une scène sera installée à l'arrière d'un des bâtiments, mis en lumière pour l'occasion. "Dès qu'ils ont su que le site allait être disponible, ils sont venus nous voir", se souvient le maire. "Ce n'était pas prévu ici, mais finalement, c'était une évidence."

L'événement marquera une première occupation officielle du site par la population. Les services techniques de la commune ont défriché les abords, nettoyés les bâtisses, sécurisés l'espace. Alain Berthoud, évoque un cadre prêt à renaître : "On va mettre en valeur ces anciens bâtiments, la scène sera installée là où il y a de belles arcades. C'est un décor magnifique."

Autour du projet, les premières suggestions émergent. Sur les réseaux sociaux, beaucoup se questionnent : "Que vont-ils faire dessus ?", questionne une habitante. "Ce serait bien d'exploiter cet endroit, y garder les pierres et son style et faire un lieu utile et propre", conseille une autre. "On pourrait faire un parcours de santé, une aire de pique-nique, ou accueillir des activités associatives", propose de son côté Alain Berthoud. "C'est un terrain de jeu immense."

D'autres possibilités seront évoquées. Le site, par sa taille et son emplacement, laisse entrevoir une diversité d'usages. Aucune décision n'a encore été prise.

La mairie prévoit de se faire accompagner par des assistants à maîtrise d'ouvrage (AMO) pour affiner les pistes. L'enjeu est à la fois architectural, patrimonial, environnemental et social. "Il faut qu'on regarde ce qu'il est possible de faire. Mais l'important, c'est que ce soit utile à la population", confirme l'édile.

Le site jouit d'une localisation stratégique : à deux pas des écoles, du centre multi-accueil, de la mairie et des services. Il n'est pas en périphérie, mais au cœur du quotidien. "Ce n'est pas juste une friche, c'est un morceau du village", résume le maire. "Ce terrain ne doit pas rester en l'état. Il doit vivre."

 Avec ses 4,25 hectares d'un seul tenant, ses façades en pierre et son accès direct au fleuve, l'ancienne usine offre des ressources rares. Le bâtiment principal affiche 3 500 m². Deux autres structures, plus petites, complètent le potentiel. Malgré les toitures effondrées, les murs tiennent. "Il y a de quoi faire quelque chose de grand", conclut François Tiberi. Et surtout, de durable. La commune a désormais les clés. Reste à ouvrir les portes du possible.