Ventiseri

Les secrets de la boutargue révélés lors du tournage "des racines et des ailes"


Corse-Matin du 23 septembre 2016 par Jean Dealma


Récemment, une équipe de tournage de l'émission Des racines et des ailes a été accuellie à l'étang de Palu par Julien Cugurno
Récemment, une équipe de tournage de l'émission Des racines et des ailes a été accuellie à l'étang de Palu par Julien Cugurno

Une étendue d'eau qui tel un miroir, reflète le village de Ventiseri et des paysages environnants, un lever de soleil éclairant petit à petit une colonie d'une vingtaine de flamants roses, tel était la composition du tableau vivant et éphémère proposé sur l'étang de Palu à l'équipe de l’émission de France3 « Des racines & des ailes ». Des conditions parfaites pour François Cardon, journaliste réalisateur, et Benoît Lanet, réalisateur et télépilote de drone qui étaient venus à la rencontre du pêcheur de l'étang, Julien Cugurnu. «L'idée de ce reportage est de présenter la Corse des vallées et des rivières. Depuis l'embouchure du Tavignanu, plus long fleuve de Corse après le Golo, nous voulons montrer les activités économiques liées aux zones humides comme la pêche, la production d'huîtres ou de moules sur les étangs de Diane et d'Urbinu mais aussi à Palu avec la fameuse poutargue ».

Durant toute une matinée, embarqué sur les deux barques du pêcheur le duo a procédé au tournage sur l'étang à l'aide d'une caméra mais aussi d'un drone, utilisé après avoir pris la précaution de prévenir les autorités militaires de la base aérienne toute proche. Ainsi, avec Julien leur guide, toujours aussi facétieux, ils ont pu découvrir les techniques de la pêche au mulet et la fabrication de la poutargue (dite aussi Boutargue).
 

Après que les mulets aient été piégés à l'aide d'un véritable labyrinthe fait de filets, de bordigues et de verveux ils ne peuvent plus s’échapper, et c'est alors qu'ils sont pris. Les femelles (muges) qui contiennent les œufs sont sélectionnées et Julien dans son laboratoire, tel un chirurgien, procède minutieusement à l' extraction de ce précieux contenu . « C'est une opération délicate, car il ne faut pas abîmer les œufs qui forment deux globes et après les avoir nettoyés je procède à un massage à l'aide d'une préparation personnelle composée essentiellement de sel puis ensuite je les dispose dans une presse avant de les exposer au soleil dans un endroit ventilé » explique le pêcheur.


Lors du tournage, Julien Cugurno a eu une pensée pour son ami pêcheur Noël Viacara, décédé récemment à Bastia et dont il a appris de nombreux savoir-faire
Lors du tournage, Julien Cugurno a eu une pensée pour son ami pêcheur Noël Viacara, décédé récemment à Bastia et dont il a appris de nombreux savoir-faire
Après quelques jours de séchage, la poutargue est ainsi prête à être consommer et les amateurs ne se font pas prier pour la déguster en petites tranches à l'aide d'un petit morceau de pain imbibé d'huile d'olive ou en copeaux dans des pâtes. On dit de la poutargue qu'elle est le caviar de la méditerranée mais comme le dit Julien avec un grand sourire « Si c'était du caviar je serai certainement plus riche! ». Néanmoins, ce met très recherché se négocie autour de 150€ le kilo et on l'on comprend désormais pourquoi quand on mesure le travail harassant et le savoir faire de ces pêcheurs. Pour Julien Cugurnu, c'est l'aboutissement du travail d'une année, car en hiver il faut vérifier, réparer les centaines de piquets, ouvrir à une certaine période de l'année le grau situé à l’extrême sud de l'étang afin de permettre de repeuplés en poissons l'étang et ensuite le refermer pour permettre la pêche des mulets mais aussi des anguilles, autres activités hivernales du pêcheur. Mais tout ce travail peut être réduit à néant et empêcher toute économie à cause de facteurs comme la météo (pas ou trop de pluie, vent, pollution…) ou encore par un fléau récent qui préoccupe Julien, celui de l'envahissement par l'herbe de l'étang. « Il faudrait que des personnes compétentes se penchent sur ce phénomène car depuis trois ans, je suis obligé de passer des heures à arracher ces herbes qui s'attachent aux filets et aux bordigues et aux verveux et qui envahissent l'étang. Je ne voudrais pas, après plus de trente ans de présence sur cet étang voir disparaître mon outil de travail !» souligne avec force, le personnage qui est indiscutablement lié à jamais à cet étang.Ne doutons pas que du côté du conseil général, du conservatoire du littoral ou encore de l'université de Corse, des personnes voudront bien se pencher sur cette eutrophisation dont l'origine peut-être climatique mais aussi la conséquence d'effluents domestiques, industriels et/ou agricoles qui peuvent hélas conduire à la mort de cet écosystème aquatique en quelques décennies. En attendant, l'enregistrement de ce numéro « Des racines & des ailes », qui devrait être diffusé au printemps ou à l'automne 2017, révélera une nouvelle fois les merveilles de notre patrimoine, grâce à tous ces professionnels passionnés, qui comme Julien Cugurnu, travaillent de haute lutte pour que vivent encore longtemps nos traditions.